vendredi 26 février 2016

Japon – Avril 2015 – Etape 4 – Nagasaki

Ah, la Hollande, l’autre pays du fromage, ses tulipes, ses coffee shops, Dave, toussa toussa… Saviez tu, cher et estimé lecteur, que les pays bas ont une riche histoire commune avec la patrie des ancêtres de Maurice Dupuis (de Paris) ? Probablement pas (ou alors le présent billet va faire un flop, et Maurice Dupuis sera réduit à noyer sa déception dans un saké de mauvaise qualité en ruminant de sombres pensées).
Donc on va dire que personne n’est au courant !

Bref. Il est, sur la côte ouest de Kyushu, un charmant port de pèche nommé Nagasaki, connu pour sa malheureuse implication dans un vague conflit durant le XXè siècle, qui n’a rien a voir avec le présent propos.

Car c’est au XVIè siècle que nous nous rendons. C’est à cette époque que les premiers missionnaires catholiques débarquent sur l’archipel, dans cette région, et commencent à évangéliser les locaux. Ainsi, pendant un gros demi-siècle, jusqu’à son interdiction en 1614 par Tokugawa, Nagasaki sera au cœur du christianisme nippon. Et pendant ce temps, les commerçants portugais s’installèrent et développèrent leurs petites affaires. Parallèlement, la VOC (compagnie néerlandaise des indes orientales) commence à s’intéresser à ce marché, et se rapproche des officiels japonais.
Eglise Oura

En 1644, le shogunat Tokugawa décide que stop, ca suffit, faut pas rester là messieurs, on va fermer le pays. Bim. Soudain, impossible de commercer légalement avec le Japon, hors licence spéciale accordée par le gouvernement militaire.

C’est finalement la VOC, plus finaude que ses concurrents à priori, qui décroche le convoité mandat commercial, et obtient donc, au grand dam des autres puissances occidentales, l’exclusivité du négoce avec l’Empire. Mais attention, pas sous n’importe quelles conditions !

En effet, et c’est là qu’on arrive aux choses intéressantes, un seul point de chute est autorisé aux navires hollandais : Nagasaki. Et plus précisément l’ile de Dejima, une ile artificielle construite dans la baie de Nagasaki, qui servira de base commerciale à la VOC.

La grand rue (qui est la seule, en fait)

C’est cette petite butte de terre de 120 mètres par 75 que se trouvaient entrepôts et habitations pour les quelques représentants de la compagnie. S’y mêlaient de manière plus ou moins heureuse, mais certainement curieuse, les architectures japonaises et occidentales.
Modele reduit mais pas tant que ca
Curieux futon sur bois
Trucs en bois qu'on a pas compris a quoi ca sert
Table trop haute


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Et maintenant, trivia : cette micro ile de Dejima a eu, pendant quelques années, une particularité singulière : quelle est-elle donc ?

Et bien il se trouve que durant les premières années du XIXè siècle, un petit tondu corse mettait la pagaille en Europe, notamment avec sa tendance à vouloir annexer tout ce qui passait à sa portée. Genre les Pays-Bas. Sauf que, perdus sur leur banc de sable, (le patron de Dejima à cette époque) et ses braves collègues n’en savaient rien ! Ils ont donc été bien surpris de voir débarquer un navire de guerre britannique exigeant qu’ils cèdent leur comptoir commercial, sous le misérable prétexte que leur pays n’existait plus.

Et bien sans se démonter, Doeff a cordialement invité les sujets de sa gracieuse majesté à se faire cuire un œuf, ne cédant pas devant la volée de canons qui a été tirée dans l’espoir de les impressionner, et a maintenu fermée l’ile de Dejima. C’est le gouvernail entre les jambes que les anglais sont rentrés chez eux, jurant mais un peu tard qu’on ne les y reprendrait plus. 

Et du coup, pendant toute la période d’annexion des pays-Bas, l’ile de Dejima fut le seul endroit au monde où flottait encore le drapeau néerlandais. Et toc.

Lol brits, U mad ?

jeudi 18 février 2016

Japon – Avril 2015 – Etape 3 – Fukuoka

Si on demande à un japonais de citer un érudit célèbre, il y a fort à parier qu’il mentionne Sugawara no Michizane.


Né en 845, en pleine période Heian, connue pour être  l’apogée de la culture et du raffinement de la cour impériale, Sugawara no Michizane est fils d’aristocrate, et, de fait, il reçoit une instruction soignée le destinant à des fonctions administratives au sein de la cour. 

Apres de brillantes études (il passe le plus haut concours de fonctionnaire à 26 ans), il intègre le gouvernement et y exerce des fonctions d’importance croissante, au gré des promotions qu’il reçoit, dans divers ministères. En parallèle, il dirige également l’école de son père, enseigne à l’académie de lettres (où il obtient l’équivalent de la chaire de littérature). Et tout ca alors qu’il n’a même pas 40 ans.

Il est ensuite nommé dans une province éloignée à un poste de gouverneur, dont il s’acquittera sans grand succès. Et pour cause, les archives montrent qu’il était probablement plus occupé à écrire de la poésie qu’à autre chose, sa production littéraire à cette époque ayant explosé ! 

De retour à la cour quelques années plus tard, il se lance dans les intrigues et alliances politiques, grâce auxquelles il gagne les faveurs de l’empereur. Malheureusement pour lui, il gagne également l’inimité de clan Fujiwara, ce qui n’est pas une bonne chose à cette époque (ce clan étant l’un de ceux qui tirent les ficelles de l’empire en sous-main, notamment en s’assurant des liens étroits avec la famille impériale en y mariant ses filles). 

Tout ira bien jusqu’au retrait de l’empereur Uda. Mais son successeur prêtera une oreille complaisante aux Fujiwara, et Michizane tombera progressivement en disgrâce, qui culminera avec sa démotion à un grade inférieur, et son renvoi à un poste mineur au fin fond du Chikuzen, sur Kyushu, où il vivra dans de pénibles conditions pendant 2 ans avant de mourir, n’ayant jamais pu retourner à Kyoto.

C’est là que les choses se corsent pour la capitale de l’empire, qui se trouve successivement frappée par une épidémie, une sécheresse et un incendie provoqué par la foudre tombée sur un palais (et qui a par la meme occasion roti un certain nombre d’officiels ayant joué un role dans son exil). Son rival Fujiwara no Tokihira, à l’origine de son bannissement, mourra de maladie, de même que les deux fils de l’empereur Daigo qui l’avait prononcé, et qui les suivra lui même dans la tombe quelques mois plus tard.

AH ON FAIT MOINS LES MALINS MAINTENANT HEIN ?!
Parce que bon, c’est pas parce qu’il faisait de la poesie en regardant des pruniers qu’il fallait le chercher, le Michizane. La conclusion s’imposa donc naturellement : devenu un onryo, ou esprit vengeur, Sugawara no Michizane est revenu régler ses comptes avec les responsables de sa déchéance.

Craignant pour sa vie, et peut etre un peu pour son empire aussi, l’empereur suivant décida de faire ériger un sanctuaire à sa mémoire, pour l’appaiser. Peine perdue, les désastres continuèrent, et ca n’est que 987, soit plus de 80 ans après sa mort, que l’onryo Sugawara no Michizane fut finalement apaisé.

Il aura fallu pour cela sortir le grand jeu : toute mention de son exil fut effacée des registres officiels, il fut réinstauré de manière posthume à son rang et à ses fonctions, un sanctuaire spécial fut érigé au nord de Kyoto (le Kitano Tenmangu) pour le célébrer sous l’identité de Tenjin, kami d’état (le plus haut grade dans la hiérarchie des kamis shintos), avec un festival spécial en plus pour faire bien !
Depuis, l’onryo Michizane qui pourfendait ses ennemis à coup d’éclairs et de maladies est vénéré comme Tenman Tenjin, le kami des études, que tous les étudiants vont honorer en période d’examens.

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Maintenant, section trivia !

Tenjin est honoré partout dans le Japon, et est souvent associé à deux symboles : le bœuf et les pruniers. Ces deux éléments sont intimement liés à son exil et ses derniers jours.

En effet, il est dit le bœuf qui transportait son corps pour l’emmener sur le lieu de son dernier repos a soudain cessé de vouloir avancer, près d’un temple bouddhiste, à Dazaifu. Ne pouvant aller plus loin, il fut inhumé sur place, où a depuis été érigé un sanctuaire à sa mémoire. C’est pourquoi on retrouve souvent des statues de bœufs sur les sanctuaires dédiés à Tenjin.
Wrong pic
C'est mignon !

L’un des passe-temps de Michizane, de son vivant, était de composer de la poésie en regardant ses pruniers en fleur. La vue de ses arbres serait ce qui lui a le plus manqué dans son exil. La légende dit que, après son décès, un des pruniers de son ancienne propriété de Kyoto, se languissant de son maitre, s’est déraciné et a littéralement volé jusqu’au lieu de son dernier repos. Cet arbre, que l’on peut contempler sur le sanctuaire du Dazaifu Tenmangu, près de Fukuoka, est appelé le tobi-ume, littéralement le prunier volant. C’est le plus célèbre des quelques 6000 arbres qui ornent ce très beau sanctuaire.


Le tobi-ume, sans fleurs parce que pas la bonne saison


jeudi 11 février 2016

Japon – Avril 2015 – Etape 2 : Okinawa

Il y a de cela quelques temps, Maurice Dupuis, de Paris, vous avait entretenu des charmes sous-marins de cet archipel.

Mais aujourd’hui, Il s’intéressera plus à la terre ferme et à ce qui s’y est passé au cours des derniers siècles.
Okinawa, de par son éloignement des iles principales du Japon, n’a pas toujours été intégré à l’empire, loin de là. En effet, ca n’est qu’à la fin du 19è siècle que le royaume de Ryukyu, où le Japon l’a officiellement annexé pour en faire une préfecture à part entière.

Toutefois, son histoire est étroitement imbriquée à celle de l’empire. En effet, si l’annexion de 1879 a mis fin à l’indépendance du royaume, celle-ci était de facto une façade : dès le 17è siècle, les souverains de Ryukyu ont dû plier devant le clan Shimazu, dont ils sont devenus les vassaux, mettant ainsi fin à 2 siècles d’autonomie et d’unité, conquise elle-même après un siècle de conflits entre les 3 dynasties souveraines de l’époque.

L’un des éléments architecturaux emblématiques d’Okinawa est le Gusuku.
Bien que, selon les auteurs, ce terme puisse englober un ensemble plus large de types de constructions / lieux (lieux saints, communautés d’habitations, châteaux), il est communément employé pour décrire les forteresses érigées durant le 12è-13è siècle.  De nos jours, hormis le château Shuri, siège de la dynastie des rois de Ryukyu, qui a été reconstruit, la grande majorité des Gusuku sont à l’état de ruines, partiellement restaurées pour certaines d’entre elles.


Shuri-jo

Ne subsistent bien souvent que d’imposantes enceintes dominant la mer, qui donnent toutefois une idée de la majesté que pouvaient afficher ces forteresses. Les sites de Nakijin, de Katsuren, ou encore de Zakimi, par exemple, sont particulièrement impressionnants, en plus d’offrir une superbe vue sur la région alentours.

Zakimi-jo
Katsuren-jo

jeudi 4 février 2016

Japon – Avril 2015 – Etape 1 : Kobe

Son sake, son boeuf, son Goshikizuka Kofun


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Si les  égyptiens ont les pyramides et les mastabas, les anciens japonais avaient les kofun.
Bien moins connus que (et nettement postérieurs à) leurs cousines de Gizeh, les kofuns japonais n’en sont pas moins impressionnant de par leur taille, et détonants par rapport à l’image qu’on a habituellement des édifices du pays.

Ils ont donné leur nom à une période de l’histoire du japon, la bien naturellement nommée Période Kofun, qu’on situe habituellement entre le 3e et le 6e siècle et qui forme, avec la période Asuka, la période Yamato. Il s’agit de la plus ancienne période de l’histoire enregistrée du Japon (les récits des périodes antérieures étant relatés sous une coloration mythique, notamment concernant la fondation de la dynastie impériale), et de la dernière période durant laquelle le shintoïsme primitif est l’unique religion de l’archipel (le bouddhisme y sera introduit dans le courant du 6e siècle sous les influences conjuguées de la Corée et de la Chine).


Mais que sont donc les kofuns ? Il s’agit de tumuli, de tailles très variées (de quelques mètres à près de 500m de long pour plus de 30m de haut !), principalement caractérisés par leur forme. En effet, la majeure partie des kofuns présente la silhouette d’un trou de serrure, bien que certains édifices primitifs soient de formes plus simples. La chambre funéraire était située sous la partie ronde, tandis que la partie allongée servait à accueillir les offrandes. 


Une autre spécificité de cette époque est indissociable de ces tombes : les haniwas. Ces statuettes en terre cuite au profil caractéristique avaient pour vocation de protéger la sépulture et, de fait, étaient souvent disposés à la périphérie du kofun, formant une « muraille » faisant obstacle aux mauvais esprits. Une théorie basée sur un passage du Nihon Shoki (le récit mythique de la fondation de l’empire) serait qu’ils occupaient à l’origine une fonction de substitution aux sacrifices humains.



Enfin, si de nombreux kofuns sont classés comme propriété culturelle importante pour permettre d’en assurer la conservation, ceux directement liés à la dynastie impériale sont un peu différents. En effet, ils sont, comme tout autre édifice impérial, gérés par l’agence impériale,  et considérés non comme des monuments historiques, mais comme des tombes privées ! Ce qui, en un sens, est bien leur fonction première, mais qui a une conséquence intéressante : ils ne peuvent pas faire l’objet de fouilles archéologiques ! Ainsi, contrairement aux pyramides et tombeaux de la vallée des rois qui font le régal des pilleurs de tombes depuis des millénaires, les tombeaux impériaux sont toujours théoriquement inviolés.
Comme quoi, les serrures, c'est efficace !




mercredi 3 février 2016

Maurice Dupuis Reloaded

Apres un hiatus de 5 ans, Maurice Dupuis (de Paris) s’en revient des limbes où Il s’était égaré lors de son périple sur les terres de l’Egypte immortelle.

Pour le plus grand bonheur de ses lecteurs, Il revient avec une série sur un sujet qui Lui tient à cœur : la terre de ses ancêtres, le pays du soleil levant (ou couchant en fait, ca dépend du référentiel).  Et comme il est de notoriété publique que le lecteur de ce blog est avide de connaissances, quoi de mieux qu’une série d’articles pour se culturer un peu ?

Aussi, Maurice Dupuis vous propose, dans les semaines à venir, une série de billets présentant chacun un sujet, un objet, un lieu, une personnalité, qui n’est pas toujours mis en avant lorsqu’on parle du Japon, mais qui présente un intérêt néanmoins certain. Ces sujets suivront, en filigrane, l’itinéraire parcouru par Maurice Dupuis lors de son dernier séjour, et, selon l’humeur, pourront être agrémentés de quelques clichés sont Il a le secret.

Premier chapitre dans moins de 5 ans, promis !

Un article de test

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