vendredi 22 avril 2016

Là haut sur la montagne...

Aujourd’hui marque le 1181è anniversaire de la mort d’un personnage qui a profondément marqué le Japon, le célèbre moine Kukai, également connu sous son nom posthume de Kobo-Daishi, le "Grand Instructeur qui a répandu les enseignements bouddhistes".

C'est lui

Ce brave homme vivait à l’époque Heian, à la fin du VIIIè siècle. Né 3è enfant d’un gouverneur de province sur l’ile de Shikoku, il fait rapidement montre d’une grande intelligence et sensibilité, talents qu’il cultivera toute sa vie (outre ses activités de moine bouddhiste, il fut également philosophe, poète et l’un des 3 plus grands calligraphes de l’ère Heian, ce qui n’est pas rien).

Pas complètement satisfait des enseignements bouddhistes qu’il reçut au Japon, il décida de se rendre en Chine pour élargir ses horizons. A cette époque, la Chine des Tang était à son apogée, et au contact d’un intense foisonnement multiculturel en la capitale de l’empire, Chang-an, Kukai s’enrichit encore plus intellectuellement. C’est là qu’il rencontra le grand maire du bouddhisme ésotérique chinois, Huiguo, de qui il reçut les enseignements.

C’est ainsi que, intégrant ces enseignements à ceux qu’il avait reçu dans sa jeunesse, il rentra au Japon en 806 et entreprit de répandre sa propre « version » du bouddhisme, qui devait rapidement être connue sous le nom de Shingon (真言, littéralement la vraie parole).

Apres  10 ans de tribulations diverses de temple en temple, il reçoit de l’empereur la permission de fonder son propre monastère. C’est sur le mont Koya qu’il jette son dévolu. Ses disciples continuèrent son œuvre, et, de nos jour, le mont Koya est le centre le plus important du bouddhisme Shingon du pays, avec plus d’une centaine de temples, visités chaque année par des milliers de pèlerins. Il est surnommé parfois comme le Vatican Bouddhiste.

Tout le confort moderne chez les moines

On y trouve d’ailleurs les monuments funéraires de nombreux éminents personnages : Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi et Tokugawa Ieyasu notamment y ont chacun une stèle.

Oda Nobunaga, bien conservé

Toyotomi Hideyoshi

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L’un des principes du bouddhisme shingon est qu’il est possible, à force d’ascèse et de méditation, de devenir un bouddha durant sa vie, par opposition à la pensée traditionnelle qui veut que de multiples réincarnations soient nécessaires pour en arrive là et enfin se libérer du cycle de réincarnation. Ce principe se désigne sous le terme Sokushin-Jōbutsu, littéralement s’élever au stade de Bouddha en s’accrochant à son corps.

La blague, c’est que certains moines ont à un moment décidé de prendre cette expression au pied de la lettre, ce qui a donné lieu à la (très marginale quand même) pratique du Sokushinbutsu. Long story short, il s’agit pour une personne de se momifier vivant en méditation. Le procédé, en plus d’être extrêmement contraignant et à priori pas franchement agréable, a un taux de succès assez faible : à ce jour, seules 24 momies de ce type sont connues. En effet, le moindre écart peut mettre en péril la conservation du corps.

Pour atteindre l’état de momie, le moine candidat à l’éternité doit passer par un bon nombre d’étapes toutes plus inconfortables les unes que les autres, sur une période de près d’une dizaine d’années.
La première étape de 1000 jours, consistait en une phase de jeune à base de fruits et de noix, tout en maintenant une activité religieuse au sein du temple de rattachement.

La seconde étape, de 1000 jours également, réduit encore l’alimentation du moine, qui n’a désormais plus le droit qu’à des épines de pin et de l’écorce, arrosés occasionnellement d’un peu de thé à l’écorce d’Urushi, l’arbre à laque japonais. A l’issue de cette étape, le moine est quasiment mort de faim, a moitié empoisonné et n’a plus un poil de graisse sur le dos. C’est l’effet souhaité : plus de graisses et un minimum d’eau dans le système réduit les risques de décomposition, et le poison dans son organisme tiendra les insectes et autres à l’écart.

Notre moine va ensuite d’enterrer vivant dans une petite grotte, simplement relié à l’extérieur par un tube pour ne pas mourir étouffé, et passera ses derniers jours en méditation dans l’obscurité, ne signalant qu’il est encore de ce monde qu’en sonnant une cloche à intervalles réguliers.

Quand la cloche cesse définitivement de sonner, les collègues restés à l’extérieur retirent le tuyau et scellent pour de bon la grotte, pour une dernière période de 1000 jours. A l’issue de ce délai, la grotte est ouverte, et il est possible de constater si la momification a été couronnée de succès –auquel cas le corps est paré de superbes atours et est vénéré comme de juste –  ou pas, et dans ce cas il est réenterré avec les honneurs (« At least you tried »).

Achievement unlocked : Self-mummification


vendredi 8 avril 2016

Joyeux anniversaire !

Aujourd’hui, c’est le 8 avril. Et le 8 avril, il s’est passé plein de choses !

La naissance de Francois Vilon, de Hacques Brel, la disparition du regretté Caracalla, et du non moins regretté Malcolm McLaren, de m’am Thatcher aussi, la sortie du premier album des Clash…

Mais comme je n’ai pas grand-chose à raconter là-dessus, je vais parler d’un indien vaguement connu dont on fête l’anniversaire aujourd’hui au Japon, Siddharta Gautama. Car oui, le 08/04, c’est l’anniversaire de Bouddha, fêté sous la dénomination « Hana matsuri », ou en bon françois, le festival des fleurs.

Maurice Dupuis, de Paris, s’est plus d’une fois trouvé sur la terre de ses ancêtres lors de cet évènement, et a donc pu ainsi profiter des festivités dans moult temples.

Alors, qu’est-ce qu’on y fait durant ce festival ?
Et bien c’est sommes toutes assez classique. Des processions sont organisées au départ d’un certain nombre de temples par exemple.



Dans certains temples (Maurice Dupuis, de Paris, a personnellement assisté à cette scène au Zozo-ji de Tokyo), des feuilles multicolores en forme de pétales de lotus sont lancés au vent, dans la foule.  En effet, il est dit que lorsque Siddharta a vu le jour, des petales de lotus et une pluie de nectar tombèrent du ciel, accompagnés d’une musique divine.


C’est pour figurer la pluie de nectar qu’existe le second rituel, unanimement observé dans les temples qui fêtent l’évènement, existe. En effet, chaque temple dispose une statuette du bouddha, que les visiteurs peuvent arroser de thé sucré chaud. Thé qui n’en est d’ailleurs pas vraiment : l’amacha, comme on l’appelle, est en réalité une infusion de fleurs d’hortensia du Japon. Dans certains endroits, il est également possible de substituer l’amacha par de l’amazake (une boisson à base de riz assez sucrée et peu alcoolisée). Dans tous les cas, les visiteurs, petits et grands, ne se font pas prier pour gouter à ces boissons une fois grâce rendue au bouddha !


Enfin, une petite curiosité pour la route : on observe souvent, lors des festivités, la représentation récurrente d’un éléphant blanc. Quel rapport avec bouddha ? Avec les fleurs ?


Pour vous lecteur, Maurice dupuis, de Paris, a mené l’enquête et s’apprête a lever le voile sur cette association qui à première vue semble aussi sotte que grenue.


En fait, le symbole est double.  Rappelons que Siddharta est un prince indien, pays où les éléphants sont, sinon monnaie courante, mais en tout cas plus qu’au Japon. Il se trouve que les éléphants blancs sont relativement rares, et prisés. C’est ainsi que, progressivement, ils sont venus a être considérés comme symboles de la royauté. Cette représentation est donc là pour rappeler les origines princières de Bouddha.

Le second est plus directement lié à l’histoire de la naissance de Siddharta ; en effet, les légendes rapportent que sa mère vit en rêve un éléphant blanc, au moment de sa conception.

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Bonus track : video de procession au Zozo-ji